Le soleil se levait doucement sur les collines verdoyantes du Luberon, caressant de ses rayons dorés les pierres anciennes du mas de Gabriel. L’air était encore frais, chargé du parfum des amandiers en fleurs et du chant discret des oiseaux. Assis à l’ombre de son vieux Volkswagen Combi T2, de cette teinte pourpre qui semblait absorber la lumière comme une promesse de mystères, Gabriel laissait son esprit vagabonder, porté par les souvenirs d’un autre temps.
Le Combi, bien plus qu’un simple véhicule, était devenu une extension de son âme. Chaque bosse sur la carrosserie, chaque éraflure racontait une histoire, un voyage, une rencontre. C’était à son bord qu’il avait entrepris, en 2032, ce qu’il appelait sa quête intérieure. Une odyssée à travers le monde, mais aussi à travers lui-même. À l’époque, il était encore ce recruteur en quête de sens, perdu dans les méandres d’un monde professionnel qui semblait avoir oublié l’essentiel : l’humain.
Il se souvenait de la brume qui enveloppait les temples d’Angkor au Cambodge, comme si les pierres elles-mêmes respiraient encore les prières des siècles passés. Il revoyait les eaux cristallines du lac Titicaca, où les étoiles semblaient se refléter même en plein jour, comme pour rappeler l’éternité. Mais ce furent les hauts lieux sacrés de France qui laissèrent en lui une empreinte indélébile. Le Mont-Saint-Michel, majestueux et solitaire, où la marée montante semblait murmurer des secrets anciens. La forêt de Brocéliande, où chaque arbre portait le poids des légendes, et où il avait senti une présence presque palpable, comme si la magie elle-même l’attendait entre deux chênes centenaires.
Mais il y avait un lieu, un moment, une rencontre, qui avait tout changé. C’était quelque part dans les Cévennes, un matin brumeux où le Combi s’était arrêté, presque par hasard, devant une petite chapelle abandonnée. Là, il avait croisé le chemin d’un homme, ou peut-être était-ce une femme – il n’en était plus sûr, tant la figure semblait floue dans ses souvenirs, presque irréelle. Ce qu’il savait, c’est que cet être avait vu à travers lui, comme si son âme était un livre ouvert. Quelques mots échangés, une phrase énigmatique qui résonnait encore en lui comme une énigme : « Ce que tu cherches, Gabriel, n’est pas au bout de la route. C’est la route elle-même. »
Il n’avait jamais su qui était cette personne, ni pourquoi cette rencontre l’avait tant marqué. Mais ce moment, ce regard, avait été le point de bascule. Le recruteur qu’il était alors avait commencé à disparaître, laissant place au Yogi, à celui qui cherchait non plus à placer des talents, mais à révéler des missions de vie.
Assis là, en ce matin de printemps, un sourire discret éclaira son visage buriné par les années. Il ne cherchait plus à comprendre. Il savait que certains mystères n’étaient pas faits pour être résolus, mais pour être vécus. Et c’était précisément cela, la beauté de la quête.