Le bureau de Gabriel Lumiel, niché dans un coin baigné de lumière de son mas provençal, est un sanctuaire. Les murs, d’un blanc patiné par le temps, sont ornés de tableaux qu’il a lui-même peints. Des œuvres abstraites, des éclats de couleurs et de formes, comme des fragments d’un langage intérieur qu’il n’a jamais su traduire autrement qu’avec un pinceau. Ces toiles sont les témoins silencieux d’une époque où il s’est battu contre lui-même, en 2013, lorsque le burnout l’avait cloué au sol. La peinture, à l’époque, avait été plus qu’un exutoire : elle avait été un baume, une réconciliation avec ses blessures invisibles.

Le bureau en bois massif, marqué par les années, est un mélange de chaos et d’ordre. Une mini-statue de Bouddha trône au centre, comme un gardien immobile de cet espace. À côté, quelques vieux BlackBerry, ces téléphones qui furent autrefois les compagnons fidèles de ses journées effrénées de recruteur. Ils reposent désormais là, comme des reliques d’un monde révolu, témoins d’une époque où chaque vibration signifiait une opportunité ou une urgence.

Des piles de livres s’entassent sur un coin du bureau, certains écornés, d’autres marqués par des post-it colorés. Gabriel a toujours été un lecteur vorace, mais parmi ces ouvrages, quelques-uns ont eu un impact si profond qu’ils ont littéralement réécrit des chapitres de sa vie. Des livres qui, à l’époque, ont cassé des verrous dans son esprit, ouvrant des portes qu’il n’avait jamais osé franchir. Inspiré par ces lectures, il a lui-même écrit quelques ouvrages, à ses heures perdues. Des récits où il mêlait sagesse et expérience, comme pour transmettre une part de son voyage intérieur.

Au mur, des photos encadrées. Des visages familiers, des êtres chers qui continuent de l’accompagner, même dans l’absence. Chaque photo raconte une histoire, un moment figé dans le temps, un rappel que malgré les tempêtes, certaines choses restent immuables.

C’est dans cet espace, à la fois refuge et miroir de son âme, que Gabriel est tombé ce matin sur un vieux carnet. Un carnet à la couverture usée, qu’il n’avait pas ouvert depuis des décennies. En le feuilletant, un sourire nostalgique s’est dessiné sur son visage. Chaque page était un voyage dans le passé : des idées griffonnées à la hâte, des réflexions sur son métier de recruteur, des bouts de phrases qui, à l’époque, semblaient anodins, mais qui, aujourd’hui, résonnent comme des vérités intemporelles.

Et puis, il est tombé sur une phrase. Une phrase qui, à elle seule, semblait résumer tout ce qu’il avait appris, tout ce qu’il avait vécu. Elle était là, au milieu d’une page, entourée de cercles et de flèches, comme si le Gabriel de 1998 avait voulu s’assurer qu’elle ne passerait pas inaperçue. En la lisant, il a ressenti un frisson, comme si cette phrase revenait à lui au moment précis où il en avait besoin.

Il ne la citera pas ici. Non, ce serait trop facile. Mais il dira ceci : cette phrase lui a rappelé que le cœur du métier de recruteur – et peut-être de toute vie dédiée aux autres – n’a jamais été dans les CV, les entretiens ou les KPIs. Non, le véritable sens se trouve ailleurs, dans quelque chose de plus profond, de plus humain. Une vérité simple, presque évidente, mais que l’on oublie trop souvent dans le tumulte du quotidien.

En refermant le carnet, Gabriel a levé les yeux vers ses tableaux, vers les photos, vers les livres. Tout dans cette pièce semblait murmurer cette même vérité, comme un écho. Et il s’est demandé : combien de personnes, aujourd’hui, dans ce monde en perpétuel mouvement, prennent encore le temps de se souvenir de ce qui compte vraiment ?

Peut-être que ce carnet, retrouvé par hasard, n’était pas un simple objet du passé. Peut-être était-il un rappel, un guide pour le présent. Et Gabriel, assis dans son fauteuil, a senti une paix étrange l’envahir. Parfois, il suffit de quelques mots, couchés sur une page il y a des années, pour éclairer un chemin que l’on croyait perdu.